lundi 6 août 2018

Responsive classroom: dernier jour et bilan


Dernier matin.  Évidemment le mot "dernier" résonne dans tout. Dernier trajet, dernière fois à Peck Slip school, dernier morning meeting bref, tout se termine aujourd'hui. Je prends conscience que ces 2 semaines doivent aussi se transformer en une nouvelle pratique de classe et pas seulement rester 2 semaines de fun.  Mais quand même.
Earl nous a fait une révélation pas piquée des vers. Son père sortait avec une actrice de la série "Général hospital" et elle a proposé à Earl de jouer un petit rôle dans un épisode. Sans blague. Alors on regarde le petit Earl de 10 ans jouer sa scène sur youtube.
Après cette disgression, retour au travail. Aujourd'hui, c'est organisation de la classe et la discipline d'urgence quand rien ne marche.

Pour l'organisation de classe, on réfléchit à un magasin où on déteste aller. Moi c'est Décathlon. Je déteste mais je ne sais pas trop pourquoi.  Bon, il faut faire la liste de ce qui déplait dans ce lieu car, naturellement, on fait le parallèle avec nos classes. J'ai tout compris: un magasin où on aime aller nous incite à acheter plus = une classe oú un élève aime bien être l'incite à mieux apprendre.
Alors on passe tout en revue: le coin regroupement, les tables, les étagères, les affichages,

mais bon, dans mon cas, je résiste encore à mettre mes tables en îlots parce que, franchement, ça papote.  J'ai du mal à lâcher prise alors que je sais qu'un des besoins fontamentaux est d'échanger, bouger, et que les rangs c'est anti-tout ça.


On dessine le plan de nos classes, façon cuisine ikéa sur une feuille quadrillée. Moi je ne change rien à la mienne, déjá bien chamboulée ces quelques dernières années. Et puis elle est si petite.

Pour les problèmes de discipline, on reparle du Time-out, de la chaise de retour au calme, de son efficacité si elle est bien expliquée mais aussi de ce qu'on peut faire si ça ne marche pas. Je suis déjà au top, car dans notre école, la collaboration entre collègues pour s'occuper des cas les plus réfractaires se fait déjà. Mais d'après ce que j'entends, dans les écoles américaines, ça rame un peu de ce côté-là.  Et puis on peut aussi discuter avec l'élève, avec une structure bien définie pour mener cette "conference". Je l'ai fait une fois, avec un élève très intelligent qui a trouvé la solution lui-même pour s'éloigner d'un camarade avec qui il parlait trop.
Scénario sous les yeux, nous voilà en pleine réflexion. Tout se planifie, le choix des mots (le choix des mots! Tout est important) la manière d'aborder le problème, l'échéance pour en rediscuter. Je me sens un peu débordée. 



C'est la fin de cette formation. Earl nous propose de passer la dernière heure à discuter ou à planifier, comme on veut. On se retrouve pour le "closing circle", ce moment oú la journée se termine, on a une dernière réflexion tous ensemble sur ces 4 jours intenses.  Earl semble ému, je crois qu'il est sincère.
Ses derniers mots pour nous résonneront longtemps dans ma tête:

                                          BE EXTRAORDINARY.



Avant de reprendre l'avion, je descends à Battery Park voir la statue de la Liberté.  J'étais certaine de ne jamais remettre les pieds à New York, je suis venue tellement souvent. Et pourtant me voilà. J'ai l'impression que la boucle est bouclée. 

Bilan:
J'attendais beaucoup beaucoup de ces 2 semaines. Et j'ai obtenu beaucoup beaucoup plus que je ne l'imaginais. Bien sûr, certaines choses m'ont confortée dans ce que je fais déjà, et comme je manque de confiance en moi, ça m'aide. Mais ce qui m'a le plus tourneboulée, ce sont ces evidences qui n'en étaient pas parce qu'elles ne sont jamais dites ni enseignées dans nos ESPE. Le pouvoir de nos mots, le pouvoirs du choix, et l'indéracinable conviction qu'un enfant ne peut pas apprendre si on ne lui reconnait pas le droit d'être ce qu'il est: il aime jouer, bouger, échanger et non rester assis à subir. Pour tout vous dire, si j'ai autant aimé cette formation, c'est aussi parce que j'ai bougé, joué et échangé.
J'ai retenu aussi l'importance du modelage interactif, c'est à dire, donner aux élèves l'occasion de faire l'expérience des comportements attendus. Pour tout, tout le temps.
Et bien sûr, être proactif à 80% et réactif à 20%, et surtout, prendre du plaisir, échanger, construire une communauté de classe qui cultive l'empathie, la persévérance et de solides compétences d'apprenants.

Armée de mes antisèches de phrases types à dire, ma liste d'energizers, et chargée de toute cette énergie partagée, j'attends la rentrée.

BE EXTRAORDINARY.

vendredi 3 août 2018

Responsive classroom: perfectionnement jour 3

Le morning meeting de ce matin m'a un peu cassé les pieds. Voilà Earl qui nous raconte pourquoi The Wiz est son film préféré. Ça dure longtemps, ça fait appel à son enfance, la nostalgie tout ça, bof on se croirait dans une therapie de groupe. Et puis il y a 3 autres instits qui doivent aussi raconter leur film ou livre favori. Tttttttttttt, trop long trop long, Kristen, notre leader de la semaine dernière nous aurait expedié ça en 2 minutes. Moi aussi.  Et je suis contente de voir les failles, car ça veut dire que maintenant je sais.

Au programme d'aujourd'hui, LA DISCIPLINE. Et comment l'aborder, sachant que si les enfants se comportent mal, c'est parce qu'il ont un ou plusieurs besoins fondamentaux non pris en compte. Rappelons que les 3 besoins des jeunes enfants pour être dans une posture d'élève:
1- l'appartenance à une communauté de classe (belonging)
2- faire sens de ce qui se passe en classe (significance)
3-s'amuser, bouger, échanger (fun)

Pour subvenir à ces 3 besoins, il faut donc développer les compétences socio-émotionnelles (morning meeting avec ses 4 composantes) et des activités à fort engagement (le choix académique) tout en favorisant les échanges (turn and talk) et les phases de recharge des batteries (energizers) qui sont toutes ces petites activités de jeux (pensez pierre/feuille/ciseaux et compagnie).
A cela ajoutez un langage d'enseignant neutre, clair, direct, objectif qui a 3 formes distinctes:
1-renforce.
2-rappelle.
3-redirige.

Et puis, naturellement, il faut être à 80% PROACTIF (tout anticiper) et seulement 20% REACTIF et ça devrait marcher pas trop mal.

Etude de cas. Earl nous demande de penser à un élève qui nous a posé problème cette année.  Je n'ai pas cherché longtemps.  Mais bon, soyons honnête, on pourrait appliquer tous les trucs et astuces d'ici ou d'ailleurs...je ne suis pas sûre qu'on obtiendrait grand chose.

Mais quand même, j'entr'aperçois des possibilités. Et puis cette élève, elle avait progressé pendant le morning meeting.
Earl nous présente des mini scénarios, universels, j'ai les mêmes chez moi:  Mark et John ont rapporté la feuille de cantine et reviennent en classe tout essoufflés "mais non, on n'a pas couru...". Que faire? On cherche les conséquences logiques, les bons mots à dire. C'est vraiment interessant.



Bien.  Nous voilà à la veille du dernier jour. Il pleut des cordes sur New York. J'ai préparé ma valise. J'ai l'image d'un enfant à qui on enlèverait les petites roulettes de son vélo. Demain. Et puis après. Faudra rouler droit et garder l'équilibre.

Jane's  carroussel

La photo classique: l'empire state building apparait entre les piliers


Cet après-midi, j'ai marché des kilomètres, du pont de Brooklyn à celui de Manhattan, avec cette urgence qu'ont ceux qui se disent que c'est le dernier jour.

jeudi 2 août 2018

Responsive Classroom: perfectionnement jour 2

En route pour retrouver Earl, qui ce matin, nous raconte qu'hier soir, dans le restaurant où il a diné, il a rencontré son rappeur préféré dont je n'ai pas retenu le nom, et que comme par hasard il portait un tshirt avec ce chanteur dessus. Hyper sympa, le rappeur a discuté et ils ont fait des selfies. Earl soulève alors ses bas de pantalon et là, surprise, il a des chaussettes avec son gros rappeur torse nu dessus. Il est cool comme ça Earl.
Son histoire nous a servi pour la composante "sharing" du morning meeting. 3 questions et 3 commentaires.
Et nous voilà de nouveau immergé dans le truc.
Ce matin, nous arrivons enfin à cette étrange activité, qui s'appelle "guided discovery", la découverte guidée de matériel dont on souhaite que les enfants apprennent à se servir. Pour illustrer ça, Earl nous sort la pâte à modeler: nous jouons le rôle des élèves.
Earl sort la pâte à modeler

Le but est d'amener les enfants à expérimenter avant qu'on en ait un jour besoin. C'est ça être proactif.  Explorer toutes les manières d'utiliser,  mais aussi de ranger le matériel. Avec la pâte à modeler, on fait l'inventaire de tout ce qu'on faire: malaxer, aplatir, rouler, tresser, faire des empreintes, casser etc.
Moi je fais un escargot. Plutôt pas mal. 

Après, on fait ce qu'on appelle une "museum walk", une balade au musée. On tourne dans la classe et on admire les idées des autres. Et puis on apprend à ranger.

Avec la pâte à modeler, ça prend tout son sens, mais je vois un peu moins avec le matériel de maths, ou la peinture (quoique).

Maintenant qu'on sait plein de choses, on tisse les composantes les unes dans les autres. Comment intégrer des compétences académiques dans le morning meeting? 
Et puis toujours, ce fameux choix académique, qui décidemment, est essentiel pour engager et motiver les élèves. On cherche maintenant toute sorte d'activités pour des compétences données. Je m'épate à mener les dicussions de mon groupe.
Pendant ce temps, Christopher avance son tricot.
Plus que 2 jours...
Cette après-midi, j'ai retrouvé mon amie Noëlle à Chelsea Market. On a marché sur la high line et on a diné ensemble. C'est chouette de se voir avec le même plaisir après 30 ans!

mercredi 1 août 2018

Responsive Classroom: perfectionnement jour 1

La routine s'installe et j'aime la routine. Me revoilà à Brooklyn, mais j'ai changé d'hotel et de quartier.
Je suis rentrée hier soir du Connecticut, après 3 jours où, encore une fois, j'ai retrouvé ma routine. John n'est plus là, mais rien ne semble avoir changé.

Ce matin je suis en avance alors je fais le tour de Pier 17 qui a, pour le coup, été transformé. Il n'y a personne à cette heure-là, et j'admire le pont de Brooklyn dans la brume.


Retour à Peck Slip school.  Une autre fournée d'enseignants, mais je fais partie des 25 qui viennent pour le cours "avancé", alors que les autres débutent.
On nous observe du coin de l'oeil, hé hé, nous sommes l'élite, ceux qui en veulent ENCORE plus.
Notre leader s'appelle Earl Hunter II, oui c'est bizarre, il est le 2ème du nom. Il enseigne en CM2 dans une école de West Hollywood, en Californie. Et il est différent de Kristen, TRÈS différent. Très causant, il nous a même chanté une petite chanson pour se présenter.  Un peu moins dynamique aussi.
Le groupe est très différent aussi, et on a quelques personnages...on a Christopher qui est venu en jogging depuis Penn station et qui tricote (véridique) pendant toute la journée. Il m'a dit qu'il avait besoin de s'occuper les mains. Il fait du jaquard et tout et tout sans même regarder! Very impressive.
Je m'égare.  Le but de ce cours est d'approfondir. Alors c'est ce qu'on a fait. On a épluché cet énorme truc qu'est "academic choice", c'est à dire proposer aux enfants plusieurs manières de travailler. L'objectif est un plus grand engagement dans l'activité. 3 phases importantes (et là, je révise ce que j'ai compris):
1 la préparation: expliquer les choix aux élèves, les modalités de travail. Les enfants font leur choix. Ils doivent s'y tenir. Ex: pour memoriser les mots de dictée,  vous aurez 2 choix. Soit vous les copiez sur votre cahier, soit vous les ecrivez avec les lettres magnétiques.
2 la phase de travail. On peut ajuster son objectif, par exemple si l'enfant avait comme objectif de copier ses mots 10 fois pour les memoriser, il peut se dire "mince, c'est trop long 10 fois, je ne vais faire que 5 fois". Mais on ne change pas d'activité.
3 la phase réflexive, très importante. Les enfants vont évaluer leur choix. Ont-ils fait le bon? Il y a plein de façons de faire ça.
On regarde des vidéos de séances en classe et tout s'eclaire, tout semble une évidence.

Une bonne dose de "teacher language" aussi aujourd'hui, avec le questionnement. Et plein plein de "turn and talk" c'est-à-dire, on se tourne vers son partenaire (son voisin) pour échanger, dicuter, et ça mes amis, c'est la révélation. Car on apprend en expliquant à l'autre ce qu'on a appris.

Et puis l'anxiété. Celle qui empêche les élèves d'apprendre. Les estomacs vides, l'instabilité du foyer, la maladie, le mal-logement et bien sûr, le traumatisme dû aux fusillades dans les écoles. C'est ça aussi l'Amérique, mais moi, je me sens loin de tous ces soucis.
Mon école, mon équipe, nos 137 élèves, nos 2 heures de pause déjeuner, notre cantine 5 étoiles (à leurs yeux), mon mercredi après-midi libre (imaginez si j'étais à 4 jours) tout ça fait rêver ma bande d'instits américains. Me revoilà encore avec une petite célébrité.

Earl nous raconte beaucoup sa vie de classe, et j'aime bien ça. Il dit qu'avant Responsive Classroom, c'était la partie sombre de sa carrière mais que maintenant il est un Jedi. Hou là, je voudrais bien que ca m'arrive ça, de devenir un jedi.

N'empêche. Je crois que je commence vraiment à comprendre. Les choses s'articulent clairement, cette deuxième partie de formation va vraiment ancrer les choses.

Ce que je retiens aujourd'hui:
Christopher tricote un pull en jaquard sans même regarder ses mains.

Ce que j'ai appris sur moi-même:
J'ai toujours besoin de temps pour assimiler de nouvelles choses. Ça me rappelle quand j'ai préparé le concours d'instit pour la deuxième fois et que j'ai enfin compris des tas de trucs.



samedi 28 juillet 2018

Responsive classroom: dernier jour du premier stage

Comme toujours à la fin, c'est là qu'on commence à s'amuser. Comme dans les fêtes d'anniversaire de notre enfance, au moment de partir, on voudrait rester.
Mais c'est ainsi.

Ce matin en arrivant à l'école



Ce dernier jour était consacré aux composantes du morning meeting, que je pratique dans ma classe.  Dans ce qu'on a fait aujourd'hui, j'ai retrouvé des tas de choses que je fais déjà, et ça m'a fait du bien.  Ça a renforcé et approfondi ma pratique, j'ai pu poser des questions et prendre d'autres idées.
Echanger avec d'autres enseignants a vraiment été un point fort de cette expérience.
Morning meeting au fil des jours du stage


Cette manière qu'ont les américains de nous faire verbaliser notre processus d'apprentissage en échangeant avec nos partenaires après chaque phase aide vraiment à ancrer tout ça.

Je suis ce soir dans le Connecticut. J'ai pris le train de Grand Central jusqu'à Beacon falls et sur le trajet, j'ai passé Noroton Heights, la gare d'où nous partions pour aller à New York quand je vivais à Darien. Il y avait longtemps que je n'étais pas passé, et j'ai ressenti ce petit pincement de nostalgie.  Ce n'est plus aussi vif qu'avant, j'ai fait du chemin depuis, j'ai tourné la page je crois. J'ai trouvé une sorte d'équilibre.
Mon papa américain est décédé la semaine dernière. J'ai pensé fort à lui sur mon trajet.

Retour à Peck Slip school dés mardi matin pour mon 2ème stage. Je suis impatiente.

vendredi 27 juillet 2018

Responsive classroom: jour 3

Après 2 jours passés ensemble, je vais vous parler de notre groupe. Sans se connaitre vraiment, et sans jamais échanger sur nos vies personnelles ou presque, je peux dire que notre petite société d'enseignants réunit tous les âges et tous les styles.  Il y a Nicole la grande blonde trentenaire, Zac, le prof de musique façon Paul Simon qui boit son café dans un bocal en verre, Carley qui à mon avis a l'âge (français) d'être à la retraite et qui était patineuse artistique professionnelle dans une autre vie. Il y a Gina, de Dallas dont la mère était choriste de Diana Ross, et sa collègue Valencia, la Whoopy Golberg du groupe, échevelée. Il y a aussi Kara, jeune mariée dont le mari fait ses études de médecine à Cleveland et qui voudrait tellement revenir à New Canaan où elle est née.  Il y a Jonathan, un jeune black à la carrure d'un joueur de football américain et Michelle, la grande sportive et Amber, enceinte de son premier bébé et qui vient de réaliser qu'elle sera dans la même école que Michelle.
Et tous les autres.  C'est sympa parce qu'on est amené à échanger avec tous, par 2, par 3, par table, par niveau, Kristen notre animatrice redouble d'ingéniosité pour nous grouper (n'oubliez pas....comme on pourrait le faire avec des élèves).

Programme du jour:  développer les compétences académiques et améliorer l'engagement des élèves dans les activités. Pour cela, l'activité doit:
-être active (l'élève doit agir, construire, bouger, manipuler)
-interactive (échanger avec ses pairs)
-avoir du sens pour lui.
-être à sa portée
-être interessante
-favoriser l'autonomie

Pour bien comprendre tout ça, on construit des séances, on regarde des vidéos et on échange. Notre "ressource book" se rempli de notes et de post-its.

Et on arrive à un point crucial: le choix académique: en gros, proposer pour une compétence travaillée, plusieurs choix d'activités. Plus facile à dire qu'à faire, mais c'est évidemment très séduisant. Encore une fois, on s'y colle. On fait un jeu de maths avec des dés ou des cartes à jouer.
Gina et Zac, et Kristen pendant le jeu de maths


En fin de journée, on est cuits. Nos cerveaux sont en surcharge.  Pour finir,  on se met à 4 pattes pour faire un jeu où il faut chanter une comptine et se passer un marqueur en rythme. Ça ne s'arrête pas là. La couleur du dernier marqueur qui arrive dans nos mains indique une question qui nous fait refléchir à notre journée et à notre pratique. Pour moi, c'était "quel élément a marqué mon esprit aujourd'hui" . 
La comptine des crayons

Ce que je retiens:
L'importance du modelage silencieux, et de manière générale, l'importance du silence.
"THE LESS WE SAY THE MORE THEY HEAR"
L'intérêt de donner un choix aux élèves.

A demain pour mon dernier jour. Je pars dans le Connecticut pour le weekend.

jeudi 26 juillet 2018

Responsive classroom: jour 2

Sous une pluie battante et une atmosphère étouffante, j'entre ce matin dans la cafétéria de Peck Slip school pour mon moment de gloire quotidien. Aujourd'hui, des nombres sont affichés à l'écran et on doit deviner ce qu'ils représentent:  171 = le nombre de participants, 800 = le nombre de cafés qui seront bus cette semaine, 19= le nombre d'états représentés et 3500 miles ? La plus longue distance parcourue pour venir. " C'est quelqu'un qui vient de Loo zee gnan". Je n'ai pas tout de suite compris que c'était moi. Grand blanc dans la salle. Elle répète, Loozeegnan!  " That must be ME!", dis-je, et j'explique qu'il faut prononcer Lusignan, et là, OOOOOHHHH, AAAAAAHHHHH, FRANCE!
On me remercie d'étre là... mais au fond, c'est moi qui suis reconnaissante, ils n'ont pas idée.
Aureolée de ma notoriété, je rejoins ma salle pour la journée. Et quelle journée.  Aujourd'hui, l'accent est mis sur 3 grands domaines: Le modelage interactif (interactive modeling), le langage des enseignants (teacher language), et les conséquences logiques en relation avec les régles établies.


Nous entrecoupons nos réflexions de petits jeux pour recharger les batteries.  Ne vous y trompez pas: tout ce qui est fait là par nous, adultes, vise à nous mettre dans la situation des élèves, avec comme seul objectif de servir les 3 besoins des enfants: construire un sentiment d'appartenance à un groupe (belonging), donner du sens (significance) et surtout, s'amuser (fun). Nous avons donc joué, rigolé, et commencons ainsi à mieux nous connaitre (je sais qui aime manger épicé, qui ne range pas ses chaussettes par 2, etc). On joue à 1,2,3 woosha, et à the human protractor.

Interactive modeling.
Nous faisons des listes de tâches, de procédures, de compétences académiques qui doivent être décomposées, expliquées, MODELÉES selon un scénario établi avant que les élèves en aient une maitrise parfaite. On travaille en groupe, on échange, on fait des affiches, tout ça est très investi par tous, toujours minuté, il n'y a aucune disgression, je suis emportée par une vague de professionalisme étonnante et motivante. On regarde des vidéos.

Teacher language.
Certainement un des points qui m'interpellent le plus. 3 types de langages: renforcer, rappeler et rediriger (reinforcing, reminding, redirecting). Pour travailler cela, on a chacun une composante à étudier dans notre manuel. Travail individuel. Puis, on réunit "les experts" c'est à dire, on met ensemble 4 personnes qui ont étudié la même composante pour enrichir notre compréhension du truc. Puis, en dernier, on fait un puzzle, comprendre: des groupes de 3, dont chaque participant a eu une composante différente, et on doit raconter, echanger, discuter. Tout est dit.  Maintenant, en piste. Kristen nous donne des petits scenarios de scènes de classe et on travaille, par 2, par 3, sur ce qu'on doit dire et surtout, COMMENT le dire.  Vous imaginez bien que pour moi, la difficulté est double: comprendre ce que je dois changer en moi dans ma manière de m'adresser aux enfants, ET, transposer en français ce que j'ai appris et compris. Concrètement, pas de jugement de valeur, pas de flatteries, mais un ton neutre qui met en avant des comportements attendus, car l'élève ne doit pas être dans l'attitude de faire plaisir à l'adulte, mais doit faire pour répondre à des attentes explicitées, attendues, qui donnent du sens à ce qu'il fait (vous voyez? Revoilà le besoin de SENS). "Je vois que tu as bien respecté les consignes" au lieu "je suis fière de toi! Tu as fait un super travail!".
Pas démoralisante pour 2 sous, Kristen nous dit qu'il faut enviiron 5 ans pour arriver à changer notre façon de parler aux enfants. 5 ans. Pffff, y a du boulot.

Pour les conséquences logiques, c'est plus facile. On nous explique que l'enfant qui ne respecte pas les règles doit en subir les conséquences logiques, proportionnelles et réalistes. Imaginons un enfant qui court dans le couloir de l'école alors que c'est interdit. Il se retrouve puni de récréation.
Logique?  Non. Proportionnel? Non. Par contre, il pourrait refaire le trajet en marchant cette fois.

Ce que j'ai compris aujourd'hui:
Ce que veut dire être pro-active au lieu de réactive. Anticiper, gràce à la manière de s'adresser aux élèves et au modelage interactif, pour que les élèves s'engagent dans les activités le mieux possible et les amener à exercer leur self-control.

Ce que j'ai appris sur moi-même.
Que je viens de Loozeegnan.


mercredi 25 juillet 2018

Responsive classroom: jour 1

Fébrile, mais pas tant que ça, je pousse la porte de l'ecole Peck Slip à New York ce matin. Mon arrivée hier soir m'a plongée dans un océan d'anxiété, avec un vol retardé de presque 3 heures qui arrive à JFK à 23h30, un métro désert qui m'a poussée à serrer mon petit sac à main rouge un peu plus fort que de raison, et pour couronner le tout, ma réservation d'hotel introuvable par le gars de l'accueil.  Tout ça à 3h du matin, 9h heure française. Aprés une heure de tergiversations, Dean, le mec de l'hotel, me trouve ma chambre.  Je m'effondre 2 petites heures avant le grand saut.
Alors l'anxiété, non, je me suis levée prête à embrasser ce qui s'ouvre à moi.


Une centaine de participants sont déjà présents, l'équipe se présente et on s'echauffe un peu: "qui est enseignant à New York?", plein de gens se lèvent en disant "just like me!",  "qui vient d'un autre état?" , même chose, et après quelques autres questions "qui enseigne ailleurs qu'aux Etats-Unis"? " me!". Tout le monde se tourne vers moi, je suis la star de l'instant, on me demande d'où je viens, et quand je dis de France, ils n'en croient pas leurs oreilles.

Ainsi commence pour moi cette incroyable aventure que j'ai souhaitée avec tant d'ardeur.

Kristen.
Nous sommes répartis en groupes d'une vingtaine. Notre animatrice est une enseignante au charme fou. Je veux être comme elle. La manière dont elle s'exprime, la justesse de son propos, le ton de sa voix, tout y est, c'est l'incarnation de la dimension "teacher language" de Responsive classroom. Je prends conscience de l'importance de nos mots, de notre intonation.

Partner and table talk. Et Energizers.
La journée se déroule avec une alternance de réflexion sur nos pratiques et de moments d'échanges (chronométrés, et marqués par un carillon) avec notre partenaire (qui a changé plusieurs fois) ou notre table. Les instits présents sont incroyablement investis dans ces discussions, on ne dérive pas sur d'autres sujets, c'est très constructif.
Et puis, on s'amuse, en pratiquant des jeux appelés energizers, qui permettent de recharger les batteries.

Au dejeuner, je rencontre Kevin Scott, un instit que je suis sur Instagram, je n'en reviens pas, je mange avec une célébrité!

Yardsticks.
L'après midi est consacrée à la connaissance du développement de l'enfant selon son âge. On travaille avec un bouquin que j'ai dejà à la maison et qui décrit parfaitement ce qu'on peut attendre d'un enfant de tel âge.  On fait des affiches. C'est passionnant.



Un gros travail aussi sur l'élaboration des règles de vie, et sur le modelage (gros sujet au programme demain).

Ce que je retiens aujourd'hui, en vrac, et de manière non exhaustive.
L'importance de faire parler les enfants entre eux.
La prise en compte de la spécificité de chaque âge.
Les 3 besoins fondamentaux des élèves: avoir le sentiment d'appartenance à un groupe, faire sens de ce qu'ils apprennent et, apprendre en s'amusant, bougeant, partageant.

Et sur moi-même?
J'ai retrouvé "mes" Etats-Unis. Mais je n'oublie pas que je suis moi, le caméléon, capable de se fondre dans le paysage.  Vous savez bien que j'adore être loin pour mieux rentrer, être loin pour regarder ma petite vie de rien du tout par le petit bout de la lorgnette. Et vous savez quoi aussi?  Il y a 30 ans exactement, je partais aux Etats-Unis. Et voilà où ça m'a menée.



mardi 1 mai 2018

Responsive Classroom, me voilà!

Difficile de repartir.  Voilà 10 fois que j'écris une phrase et que je l'efface.  Mais ça y est, je me lance.

Je vais vivre une aventure largement hors de ma zone de confort cet été, et je cherche une manière de partager, ou de capitaliser ce qui va m'arriver.  Ce bon vieux blog qui a fêté ses 10 ans en février (dont au moins une année en hibernation que je pensais définitive) me parait finalement le lieu idéal pour recueillir mes écrits. 
C'est évidemment en rapport avec l'école, sinon il n'y a pas lieu de rouvrir ce blog.

Tout est parti de notre voyage à Boston il y a 2 ans.  Vous vous rappelez?   Ma recherche constante d'idéal scolaire et ma quête de nouveauté ne m'ont jamais lâchée.  Et mes attaches outre-atlantiques bien entendu...
L'année dernière, je suis retournée aux Etats-Unis et je suis allée rendre visite au siège de Responsive Classroom, à Turners Falls, où j'ai enfin rencontré celle qui m'avait mise en contact avec les écoles de Newton.  Cette visite était essentielle pour moi, et a eu une portée qui m'amène aujourd'hui à rouvrir ce blog.  Pour faire court, Allison m'a permis de participer cet été à New York, à 2 semaines de formation pour mettre en place cette approche pédagogique dans ma classe.  Ce que je fais déjà, depuis 2 ans maintenant. Mais j'ai maintenant besoin d'un apprentissage structuré et plus global.

M'immerger, partager, rencontrer, je n'ai jamais ressenti une telle envie de faire tout ça!

Je balaie d'un geste toutes mes peurs et mes angoisses (serai-je à ma place?) et je pars, toute seule.

Rendez-vous en juillet, sous le pont de Brooklyn, à la Peck Slip school.  Et si ça vous dit, vous pourrez lire ce que je vais fabriquer là-bas.



vendredi 25 août 2017

Au revoir!

Vous vous demandez sans doute ce qui m'est arrivé depuis tout ce temps.  Peut-être même avez vous cessé de visiter ce blog.  Je ne vous en veux pas.
Pour être honnête, j'ai eu le plus grand mal à m'y reconnecter, au sens propre du terme,  j'avais perdu mes identifiants, c'est tout dire.
J'ai un peu honte de dire ce qui m'arrive. C'est tellement banal.  Je traverse une grande période de doute et de confiance en moi, dans ma vie professionnelle et même au delà.
A force de me promener sur la toile et de lire des articles et blogs les plus intéressants les uns que les autres, je me suis sentie aspirée vers le fond , vers le petit petit, vers l'insignifiant.  Je ne me sens pas légitime du tout à raconter mes histoires.
Ma reprise à plein temps m'a obligée aussi à prendre tout de front, sans recul, sans ce moment magique ou j'entrevoyais mon "Silver lining".

La difficulté de notre métier qui s'accentue vraiment continue de me pousser à voir ailleurs, et oui, petit à petit, je deviens "meilleure", grâce à mes voyages, mes lectures, mes rencontres.   C'est ça qui compte.  Je pourrais bien sûr vous raconter tout ça dans ce blog, mais, étant le cliché ambulant de la fille qui manque de confiance en elle, je n'en ferai rien.  Pardon.

Pour ceux qui veulent continuer de voir des petits bouts de classe ou de vie, j'ai un compte instagram qui est bien moins engageant qu'un blog.